La "déconstruction des stéréotypes de genre" apparaît aujourd'hui comme l'instrument d'action privilégié dans la prévention des violences sexistes et homophobes à l'école en France. Elle est préconisée dans les textes officiels depuis la Convention interministérielle pour l'égalité entre les sexes dans le système éducatif de 2000. Par ailleurs, elle est mise en pratique dans des dispositifs d'action publique au niveau local, par des partenariats entre l'Education Nationale, des acteurs de l'éducation à la sexualité ainsi que du mouvement féministe. Or, s'il paraît a priori évident que l'on peut prévenir des violences en mettant en cause les préjugés sexistes, cet caractère d'évidence nécessite d'être mis en question. Nous prendrons appui sur une enquête par analyse documentaire, entretiens et observation pour décrire les modalités de définition de cet instrument de prévention. Nous reconstituerons tout d'abord la genèse de cet instrument, à la croisée de plusieurs niveaux et secteurs d'action publique : nous hiérarchiserons les niveaux d'action pertinents entre l'Union Européenne, le niveau national et le niveau local ; et nous montrerons l'imbrication entre l'action pour l'égalité des sexes dans l'Education nationale, celle dirigée vers la prévention des violences conjugales, et enfin la prévention des violences scolaires. Puis nous illustrerons ce que "déconstruire les stéréotypes" veut dire en pratique, par l'analyse d'un dispositif en Seine-Saint-Denis, qui met en lumière quels stéréotypes peuvent être déconstruits, quels sont ceux qui perdurent et quels "nouveaux" contre-stéréotypes apparaissent. Nous conclurons par une mise en discussion critique, en soulignant combien cet outil de prévention renforce la responsabilisation individuelle des élèves - et plus particulièrement des filles.