Violence between students in the learning environment is currently a central preoccupation of both educational institutions and state authorities. The question of violence between students will be apprehended in this symposium through a gendered lens.
3-4 Oct 2013 Lyon (France)

The speakers > Pasquier Gaël

Réagir aux injures homophobes à l'école primaire
Gaël Pasquier  1  
1 : Paris X – Paris Ouest Nanterre La Défense Centre de Recherche en éducation et en formation (CREF) Savoirs, rapport au savoir et rapport sociaux de sexes
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En France, la lutte contre l'homophobie s'inscrit dans les priorités de la politique éducative définies par les circulaires de rentrée de septembre 2008 et 2009 : « la communauté éducative doit faire preuve de la plus grande vigilance et de la plus grande fermeté à l'égard de toutes les formes de racisme, d'antisémitisme, d'homophobie et de sexisme ». Ces principes sont repris par la circulaire de 2010 qui rappelle également la nécessité de nommer les discriminations dans le règlement intérieur de chaque établissement. Ils s'ajoutent aux nombreuses Instructions Officielles de l'Education Nationale qui, depuis les années 60, énoncent la nécessité de favoriser l'égalité des sexes à l'école, et particulièrement au Bulletin Officiel du 2 novembre 2000, qui inscrit la lutte contre l'homophobie « à l'école, au collège, et au lycée » dans le cadre de l'éducation à l'égalité des filles et des garçons par l'intermédiaire du questionnement des stéréotypes de sexes. L'institution ne limite donc pas l'homophobie à une attitude d'hostilité à l'égard des homosexuels hommes ou femmes mais l'intègre clairement dans le cadre des rapports sociaux de sexes. Elle la définit à la fois comme le rejet, la discrimination des homosexuel-le-s et les violences qui s'exercent contre eux-elles mais aussi comme le rejet, la discrimination et les violences vis à vis des personnes qui sont supposé-e-s être homosexuel-le-s, parce que leur comportement ou leur manière d'être contreviennent aux normes de sexe traditionnelles, sans que ces personnes se définissent nécessairement comme homosexuelles. A partir d'un corpus de vingt entretiens non-directifs réalisés avec des enseignant-e-s français-e-s exerçant à l'école maternelle et/ou élémentaire et qui travaillent avec leurs élèves sur l'égalité des sexes et/ou la lutte contre l'homophobie, nous avons voulu nous intéresser à la manière donc ceux-celles-ci abordent un type de situation précis : la profération par des élèves d'injures homophobes. Sur le plan juridique, une injure "est une expression outrageante, utilisant des termes de mépris ou d'offense"[1]. Elle seront qualifiée d'homophobes lorsqu'elles dénigrent l'homosexualité pour affirmer la supériorité de l'hétérosexualité.

Les réponses apportées par les enseignant-e-s rencontré-e-s lorsque des insultes sont prononcées dans l'enceinte scolaire varient selon qu'ils-elles en dénient la violence au prétexte que les élèves n'en connaitraient pas la signification ou qu'ils-elles reconnaissent cette dernière. Dans ce dernier cas, sous une apparente homogénéité de points de vue, le travail pédagogique engagé autour de la question des insultes ne poursuit pas tout à fait le même objectif selon la conception que ces enseignant-e-s ont de l'insulte et de sa capacité à blesser. En effet, si certain-e-s recourent avant tout à l'interdiction et à la sanction au risque de condamner ces insultes à être toujours efficaces, d'autres préfèrent interroger les élèves sur la signification du mot et leurs représentations de la réalité qu'il désigne. Car, en déconnectant cette réalité, un homme ou une femme éprouvant une attirance affective et sexuelle pour une personne du même sexe, de toute connotation péjorative, ils-elles espèrent en même temps retirer au mot sa charge offensante. Ce travail, en direction du locuteur-rice-s de l'insulte, souvent des garçons, mais aussi de celui ou celle qui la reçoit n'est pas sans avantage dans la volonté de pacifier certaines écoles : puisqu'il n'y a pas d'insultes si celui qui la reçoit ne reconnaît pas avoir été insulté, il permet en effet de suspendre la possibilité d'une réponse violente à l'insulte si d'aventure celle-ci continue à être utilisée. Cette communication se propose donc d'analyser dans les discours enseignant-e-s les différentes options de travail poursuivies afin de mieux saisir la complexité des mécanismes à l'œuvre dans la lutte contre les violence verbales et certaines discriminations dans un contexte éducatif avec des enfants.

 

Bibliographie :

 

Bastien-Charlebois Janik, 2009, "Insultes ou simples expressions ? Les déclinaisons de "gai" dans le parler des adolescents", in Chamberland Line, Frank Blye W., Ristock Janice (dir.), 2009, Diversité sexuelle et construction de genre, Québec, Presses de l'Université du Québec, coll. Santé et société

 

Butler Judith, 2004, Le pouvoir des mots, Politique du performatif, Paris, Editions Amsterdam

 

Chevalier Yannick et Constantin de Chanay Hugues, 2009, "Savoir être insulteur, ou les marqueurs verbaux et non-verbaux de l'insulte : quelques exemples de "pédé"", in Lagorgette Dominique (dir.), 2009, Les insultes en français : de la recherche fondamentale à ses applications (linguistique, littérature, histoire, droit), Chambéry, Université de Savoie,

 

Clair Isabelle, 2012, "Le pédé, la pute et l'ordre hétérosexuel", Agora débats/jeunesse, 2012/1, n°60

 

Eribon Didier, 1999, Réflexions sur la question gay, Paris, Fayard

 


[1] Borillo Daniel, 2009, Le droit des sexualités, Paris, Presses Universitaires de France, coll. Les voies du droit


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