L'approche française de l'éducation sexuelle semble, au regard notamment de discours qui sont dominants dans certains États des États-Unis, tout à fait progressiste. Il y aurait ainsi, d'un côté, une promotion de l'abstinence aussi idéologique qu'inefficace, et de l'autre, la mise à disposition de connaissances scientifiques sur le corps et la sexualité au service d'une prévention considérée comme un problème de santé publique. Les deux perspectives s'opposeraient comme s'opposent la bigoterie et les Lumières, la superstition et la science. Il convient d'interroger cette opposition aussi tranchée que suspecte, et, sans minimiser les différences entre les deux discours, d'identifier ce qu'ils ont en commun. Cela est possible en adoptant le point de vue de certaines critiques féministes, qui, lorsqu'elles mettent en question les éducations sexuelles, tendent à discerner un même problème qui se manifeste à des degrés différents selon le paradigme adopté : ce problème est celui d'un « silence » qui, sous couvert de pudeur ou de morale, est en réalité une lacune orientée qui entretient voire renforce inégalités et violences. La reconnaissance de cette même réticence présente dans des formes d'éducation sexuelle très différentes permet de mettre au jour les enjeux politiques de l'approche française qui, par son ancrage dans les sciences naturelles, se revendique neutre et objective. L'approche préventive est ainsi en réalité élaborée de façon différenciée et tend à confiner les adolescentes dans un rôle passif, rôle dans lequel leur seule marge de manœuvre est négative, de l'ordre de la résistance et de l'opposition. Ce constat a amené un certain nombre de féministes à chercher une alternative positive à ces représentations ; un « discours du désir », une « théorie du oui », ou encore une pensée du consentement sexuel qui ne parte pas du refus. Ces approches revendiquent ainsi une éducation sexuelle de l'habilitation (empowerment) qui respecterait l'égalité des sexes et des sexualités. Si aujourd'hui les postures qui souhaitent un relatif silence sur la sexualité sont aussi nombreuses que diverses – certaines suspectant par exemple tout discours institutionnel sur cette question d'être un dispositif de contrôle social, d'autres conservant la croyance que la sexualité (doit) se développe(r) de façon irréductiblement « naturelle » - de nombreuses féministes, pleinement conscientes que le privé n'est jamais soustrait au politique, ne cherchent ni à faire silence, ni à prolonger les discours existants, mais bien à inventer un nouveau langage.