La problématique des violences en milieu scolaire est devenue ces dernières années une préoccupation politique, familiale et sociale majeure partout dans le monde et les révélations se sont accrues de manière significative dans divers pays, au Nord comme au Sud (Chemin, Drouet, Geoffroy, Jezequel, & Joly, 1995). De plus en plus, les élèves vivent des situations dramatiques qui peuvent avoir des incidences sur les trajectoires scolaires (Debarbieux, 1999). En 2006, le rapport du Secrétaire Général des Nations Unies sur la violence à l'encontre des enfants fait état de nombreuses violences subies dans le cadre scolaire, tels que les châtiments corporels, les violences psychologiques, les brimades, les mauvais traitements et les violences sexuelles. Ainsi, l'école est aujourd'hui un bastion de violences entre les apprenants, les enseignants et les apprenants et entre les apprenants et le pouvoir qui recourt très souvent à la répression armée, notamment dans les universités africaines (Lanoue, Azoh et Tchombé, 2009). Loin d'être des lieux sûrs d'apprentissage, où la bonne conduite, le savoir et le savoir être sont enseignés, où filles et garçons s'instruisent, se socialisent et développent leurs talents, les institutions scolaires sont souvent des espaces d'intolérance, de discrimination, et de violence dont les filles sont de manière disproportionnée les victimes. Le quotidien de nombre d'enfants scolarisés reste en permanence rythmé par l'intensité et la diversité des actes de violences (Fortin, 2000 ; Blaya, 2006).
L'émergence d'un tel fléau traduit à la fois la dégradation de l'environnement scolaire, mais également celle des indicateurs de qualité en milieu scolaire, si l'on considère que l'enfant qui fréquente une école a droit à un environnement favorable aux apprentissages. Parmi ces violences, celles qui sont liées au genre revêtent des formes diverses en milieu scolaire : viols, sévices sexuels, harcèlement sexuel, stéréotypes sexistes, utilisation d'un langage humiliant envers les filles, assignation des filles à des tâches de nature domestique à l'école, mais également des relations sexuelles économiquement forcées ou transactionnelles qui s'apparentent très souvent au phénomène d'exploitation sexuel des enfants. Par ailleurs dans certains pays d'Afrique subsaharienne, les mariages forcés et les grossesses précoces contribuent largement à exclure les jeunes filles de l'école durant leur carrière scolaire. Cependant, peu de chercheurs ont investi ce champ (Lanoue, 2006). La prise en compte des violences basées sur le genre (VBG) dans les écoles en tant que fait de société est relativement récente en Afrique. C'est pourquoi elle se constitue en objet de sciences sociales, inscrit dans la problématique des sciences sociales (Jaspard, 2005, p.4).
Compte tenu de ce qui précède, l'analyse des violences basées sur le genre en milieu scolaire suscite un certain nombre de questionnements : que recouvre ce concept ? Comment identifier les actes de violence basée sur le genre en milieu scolaire ? Comment les garçons et les filles vivent-ils/elles les violences en milieu scolaire ? Comment les violences entre pairs engagent la masculinité ou la féminité? Quelle est la place des violences sexuelles dans les types de violence subie par les élèves/étudiants ? Voilà les questions autour desquels s'articule cette étude qui permet d'analyser les visages du phénomène et leur caractère éventuellement genré. Il s'agit donc de comprendre non seulement qui est victime ou agresseur mais comment on l'est (Romito, 2007). Cet article s'articule autour de cinq parties dont la première tente de fournir des éléments conceptuels pour la mesure et l'analyse des VBG en milieu scolaire à partir de l'exemple centrafricain. La deuxième renseigne sur les visages du phénomène à travers son ampleur et le profil des victimes selon le sexe, La troisième présente les actes de violences qui sont répandus en milieu scolaire. La quatrième porte les auteurs et les recours alors que la cinquième examine les sens sociaux de ce phénomène, en terme de rapports sociaux de sexe. Ces articulations permettent de construire la vulnérabilité en terme de rapport de genre, c'est-à-dire de voir comment les filles/femmes et les garçons/hommes sont selon leur identités sexuelles affectées par ce fléau social. Cet article tente, à partir de l'exemple centrafricain, de montrer que les violences basées sur le genre en milieu scolaire sont à la fois révélatrices de la subordination des filles dans la société et donc de la reproduction de ces stéréotypes en milieu scolaire, mais également que la vulnérabilité des élèves est l'expression de la perpétuation des inégalités sociales en milieu scolaire, c'est-à-dire qu'on peut y lire un des principes organisateurs des hiérarchies à l'école.
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