Dans cette communication nous montrerons, à partir d'enquêtes de victimation, de rapports d'incidents, d'entretiens auprès d'élèves scolarisés en collège et d'adultes de la communauté éducative et de témoignages vidéo comment, à une période où la puberté vient sexuer fortement toutes les relations, les garçons se retrouvent pris entre deux systèmes normatifs. Le premier, véhiculé par l'Ecole, prône les valeurs de calme, de sagesse, de maturité, de travail, d'obéissance, de discrétion, de douceur, vertus traditionnellement associées à la... féminité. Le deuxième système, relayé par la communauté des pairs, valorise, lui, la virilité hétéronormative, qui va inciter les garçons à... tout le contraire : enfreindre les règles, jouer les « fumistes », se montrer insolents, violents (au collège les garçons représentent 91,7% des élèves sanctionnés pour des actes relevant d' « atteinte aux biens et aux personnes » (Ayral, 2011) et s'afficher comme sexuellement dominants (au moins au niveau des paroles).... Il va s'agir de se démarquer hiérarchiquement et à n'importe quel prix de tout ce qui est assimilé au "féminin", y compris à l'intérieur de la catégorie "garçons"...
Cette "conformité à réaliser (M. Foucault, 1975) va encourager les performances de genre (mise en visibilité de la masculinité) ainsi que les comportements sexistes envers les filles et homophobes envers les garçons les plus faibles, mais également au sein de la relation pédagogique et éducative parce qu'elle est bien évidemment, aussi, une relation sexuée. Certain.e.s élèves subissent une oppression quotidienne qui compromet gravement leur santé mentale et leurs acquisitions, et le lien entre harcèlement sexiste, homophobe et décrochage scolaire a été largement établi (Debarbieux, 2013).
En terme de violence, certaines données sexuées sont particulièrement cruelles : 96,6% de la population pénitentiaire est masculine (Insee chiffres 2010). Dans 92% des accidents mortels avec alcoolémie illégale le conducteur est un homme (données Prévention routière 2009). Plus de 90% des auteurs de violence conjugale sont des hommes (données 2012).Voilà, dans les cas extrêmes, à quoi peut mener le « même pas peur, même pas mal » qui conduit certains jeunes à réprimer peu à peu leurs goûts personnels, leurs émotions, leurs affects, leur relation à eux-mêmes et à autrui.
Parce que, comme nous le montrent les liens étroits entre la violence de domination, le sexisme et l'homophobie, la dévalorisation systématique des valeurs liées au "féminin" structure la construction identitaire des garçons, nous conclurons en réaffirmant la pertinence d'une approche féministe des problèmes de violence dans les institutions scolaires et éducatives.
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