À partir de données cliniques issues de la prise en charge thérapeutique et de la pratique expertale, nous proposons d'envisager comment les actes sexuels violents, dans lesquels se nouent la problématique du corps et de la destructivité, sont à rapprocher d'une scène de meurte du féminin, scène évocatrice de ce qui est resté inqualifiable et effracteur dans les premières expériences psychiques concourant à l'organisation de l'expérience de satisfaction.
Dans leurs nombreux travaux, C. Balier et A. Ciavaldini ont considéré comment le passage à l'acte sexuel violent est une solution de recours face à une menace d'effondrement en regard d'une incapacité à organiser des éprouvés originaires. Dans ce sens, A. Ciavaldini précise que le délit sexuel est une issue possible pour échapper à la menace d'une passivation pulsionnelle entraînant un vécu de profonde détresse.
La clinique des auteurs de violence sexuelle montre dans quelles mesures les expériences sensorielles primitives sont vécues comme des sensations inquiétantes de mise en danger témoignant d'une organisation trop précaire du “travail” de passivité pulsionnelle. L'organisation des mouvements pulsionnels est toujours constituée par une double dimension, à la fois passive et active. Dans sa version passive, c'est à dire dans le cadre d'un travail tempéré de la passivité pulsionnelle, celui-ci conduit à la construction harmonieuse du corps libidinal, du corps qui s'est senti touché, aimé, vivre dans les premières expressions de la rencontre. La qualité de ce premier tissage somato-psychique permet que le corps s'éprouve dans une série d'interactions signifiantes comportant des réponses adéquates de l'objet.
Chez certains sujets, pour qui la capacité à élaborer des émotions rattachées à l'effet de l'autre à été cruellement mise à mal, le passage à l'acte sexuel tente de re-contextualiser une scène de mise à mort du féminin, celui-ci étant évocateur de l'intime ouvert à l'autre. Ce que nous proposons d'appeler féminicide, dans ce contexte précis, traduit la manière dont le corps pulsionnel et libidinal fait énigme et engendre à la fois panique et désespoir. Le passage à l'acte sexuel violent devient ainsi une scène de reprise de la mise à mort des éprouvés originaires, vécus comme impropres, car se rapportant à une situation de forçage (sensoriel) et de débordement (pulsionnel) provoquant détresse, impuissance dans un contxete traumatique de vulnérabilité et de dépossession. Le féminicide traduirait ici les enjeux psychiques qu'occupe, de manière reflexixe, une scène de meutre et de mortification de l'intime (de soi et de l'autre) qui exécute la vie privé et l'intérieur du corps et du plaisir.