Violence between students in the learning environment is currently a central preoccupation of both educational institutions and state authorities. The question of violence between students will be apprehended in this symposium through a gendered lens.
3-4 Oct 2013 Lyon (France)
Thursday 3
ANR Gender and peer violence. Global presentation.
Patricia Mercader
› 14:00 - 14:20 (20min)
› Amphithéâtre culturel
Violences de genre entre élèves dans les établissements du secondaire: présentation générale de la recherche
Patricia Mercader  1@  
1 : Centre de recherches en psychopathologie et psychologie clinique  (CRPPC)  -  Website
Université Lumière - Lyon II : EA653
Université Lumière-Lyon 2 Avenue Pierre Mendès-France 69676 Bron Cedex -  France

Le projet Pratiques genrées et violences entre pairs: Les enjeux socio-éducatifs de la mixité au quotidien en milieu scolaire (ANR-09-ENFT-006, nov. 2009- nov.2013) vise à décrire un phénomène encore peu connu malgré l'intérêt que lui accordent les instances françaises et européennes, et qui suscite aujourd'hui encore nombre d'opinions et de positions plus idéologiques que scientifiques. Nous proposerons des interprétations systémiques et globales du phénomène, grâce à un débat interdisciplinaire soutenu entre sociologie, sciences de l'éducation, philosophie, sciences de la communication, psychodynamique, et à une approche ethnographique seule à même de nous permettre de mettre en évidence, dans leur interrelation, les différentes pratiques concourant à favoriser l'éclosion de violences sexistes dans les établissements.

Enjeux et objectifs: un phénomène très médiatisé mais mal connu et mal compris

Nous entendons d'abord connaître, quantitativement et qualitativement, le phénomène des violences genrées à l'école, c'est-à-dire déterminer en quoi un certain nombre de conduites sont, en toute rigueur, des violences et appréhender le genre d'abord comme objet direct de certaines violences, mais aussi comme modèle de rapports sociaux qui instituent les pratiques violentes

Nous voulons comprendre les violences genrées en appréhendant l'univers scolaire comme système où la prise en compte du phénomène est difficile théoriquement et institutionnellement, mais qui construit du sexisme à l'insu des acteurs et en dépit de leurs meilleures intentions.

Ceci nous conduit à situer les violences genrées dans l'institution scolaire au sein de la dynamique d'un univers social ambivalent, à travers quelques éclairages contextuels portant sur la construction historique, médiatique et juridique du problème et le matériel vidéo-ludique utilisé par les jeunes.

Méthodologie et approches

La recherche comporte deux volets complémentaires

— Éclairages contextuels. Sur la base d'une bibliographie analytique, on étudie

... l'évolution historique de la mixité scolaire

... la construction historique, sociale et juridique du problème, dans les débats politiques (terminé) et au sein de l'institution scolaire, en particulier auprès des partenaires de l'institution scolaire intervenant sur la prévention du sexisme et l'éducation à la sexualité, tant au niveau national que local

... les représentations médiatiques du problème

... le matériel vidéo-ludique fréquenté par les élèves, vecteur privilégié des représentations sociales les plus significatives pour eux

— Recherche de terrain

... Pré-enquête : 39 interviews approfondies avec des chefs d'établissement

... Enquête : observations (900h) dans cinq établissements (1 collège public en banlieue pauvre ; 1 lycée professionnel public en banlieue pauvre ; 1 lycée général public « d'excellence » en centre ville ; 1 collège privé en centre ville, milieu mixte ; 1 lycée général privé en centre ville, milieu mixte)

Aperçu sur les résultats

Éclairages contextuels

Le travail sur les éclairages contextuels de la question des violences entre élèves comme étant liées au genre, travail encore en cours, a permis de mettre au jour une prise en compte scientifique et bibliographique très parcellaire, une construction sociale et politique ambiguë au plan des politiques nationales, et des politiques locales et multi partenariales de prévention centrées sur la déconstruction des stéréotypes de sexe. Stéréotypes que le travail sur les jeux vidéos analyse également très nettement.

Construction sociale et politique du problème

Le genre apparaît comme une catégorie d'analyse émergente du problème des violences scolaires entre élèves. Ainsi, l'enquête SIVIS, mise en place par le Ministère de l'éducation nationale depuis la rentrée 2007, viserait à établir des statistiques nationales sexuées des faits de violence commis en milieu scolaire. La chronologie analytique montre comment

— la dimension sexiste et homophobe des violences scolaires a été mise à l'agenda sous le gouvernement de Lionel Jospin.

— Puis un clivage s'opère dès 2003 dans l'approche de ces violences entre d'une part, une logique de « racialisation du sexisme » – c'est-à-dire le supposé sexisme extraordinaire des hommes dits arabes ou musulmans – et d'autre part, l'affirmation du caractère structurel des violences liées à la domination masculine.

Cette dernière approche, qui nous intéresse particulièrement, demeure marginale et restreinte aux violences conjugales dans le champ politique national, mais on observe que des contextes politiques locaux rendent possible une autre construction politique du problème des violences de genre entre élèves (Observatoire départemental des violences envers les femmes du Conseil général de Seine-Saint-Denis) : une action exemplaire fondée sur une politisation du sexisme, avec des logiques différentes faisant porter la responsabilité des évolutions plutôt sur les filles ou sur les garçons. On y observe trois lignes de politisation du sexisme:

1. une politisation républicaine portée par les élus et représentants des institutions de l'Etat, fondée sur une représentation symétrique des assignations de genre pesant sur les filles et les garçons et responsabilisant davantage les garçons face aux violences conjugales ; dans cette optique, le sexisme est contraire aux principes républicains d'égalité et de liberté et c'est à ce titre qu'il doit être combattu.

2. une politisation féministe pratique et réformiste dans les discours de l'Observatoire, visant à transmettre des « bonnes pratiques » aux jeunes (« ne diffusez pas de rumeur », « il y a une solution aux mariages forcés »). Ce mode de politisation du problème repose également sur une perception des assignations de genre qui tend à établir une symétrie entre filles et garçons sur certains aspects, mais la responsabilité de la lutte contre le sexisme est partagée par les filles et les garçons.

3. Une politisation féministe sur le mode de la prise de conscience collective, visant à créer une conscience de genre chez les filles, est portée par les militantes du Planning familial. L'asymétrie entre la position des filles et des garçons dans les rapports sociaux de sexe est clairement énoncée : les garçons subissent certes des assignations, mais seules les filles subissent une oppression dans le cadre du système de domination masculine. Les garçons peuvent résister individuellement et prendre conscience de leur position de dominant. Mais seules les filles semblent pouvoir s'organiser collectivement. En filigrane, la responsabilité de la lutte contre la domination masculine repose bien davantage sur les filles dans cette perspective.

Analyse vidéo-ludique et stéréotypes de sexe

Les questionnaires ont permis de dégager les jeux préférés par les garçons et par les filles (un seul jeu en commun dans les deux listes) et l'analyse des jeux eux-mêmes est en cours.

  • Les filles jouent moins et arrêtent de jouer plus tôt
  • Les filles déclarent jouer davantage hors des périodes scolaires (vacances, week-end) alors que les garçons jouent davantage tous les jours
  • Si deux ensembles bien stéréotypés se dégagent, il existe aussi un domaine mixte comprenant jeux de voiture et de sport, et simulateurs de vol

Une valence différentielle des sexes est bel et bien présente dans les relations entretenues par garçons et filles à leurs personnages préférés, mais elle est niée, voire contre-investie.

Recherche de terrain

Pré-enquête auprès de 39 chefs d'établissements

Par son ampleur, cette partie constitue une véritable recherche à elle seule. Elle met en lumière les représentations sociales organisatrices de cette population particulière. Pour les thèmes qui nous intéressent spécifiquement, il ressort que

— Ce discours met en avant une impression de « décalage » entre adultes et élèves, comme si les deux populations ne pouvaient (ne devaient ?) en aucun cas se comprendre.

— Le principal régulateur des conduites des élèves serait le contrôle social exercé par les pairs, plus puissant que les injonctions institutionnelles relayées par la génération des adultes.

— La violence est appréhendée comme « dérapage » sur fond de rapports de forces entre élèves, rapports constants et considérés comme à peu près normaux.

— Très critiquée quand elle est « excessive » (et portée par des populations stigmatisées) la domination masculine est traitée comme un facteur de paix sociale dans ses manifestations les plus tempérées.

— Les injonctions (explicites ou implicites) de l'institution promeuvent un modèle de conjugalité hétérosexuelle monogame et de discipline sexuelle.

— Les interviews montrent une perplexité asymétrique relative aux modèles de relations entre garçons et filles : si les principaux modèles masculins sont peu remis en question ici, ceux qui concernent les filles deviennent bien incertains, comme il est révélé par les questionnements portant sur leur façon de s'habiller, de parler, sur leurs conduites en général.

Observations dans 5 établissements

On remarque d'abord la congruence entre ces observations et les conclusions de la pré-enquête :

— Les élèves construisent activement l'étanchéité de leur groupe par rapport aux adultes.

— L'institution construit implicitement et activement le « système de genre » au sens de relations hiérarchisées entre garçons et filles d'une part, masculin et féminin d'autre part.

Sur le fonctionnement proprement dit des élèves entre eux, il ressort que :

— La socialisation des élèves par leurs pairs passe par des conduites d'intimidation verbale et physique, de contrôle du corps, de menace d'exclusion.

— Les échanges corporels omniprésents sont toujours sexualisés voire érotisés, mais cette érotisation suscite des mécanismes de défenses individuels et collectifs.

— La socialisation des élèves par leurs pairs constitue une véritable « formation » à la domination masculine.

— La sexualité des filles fait l'objet d'un contrôle et d'une répression actifs.

— Le « variateur » le plus puissant est la classe sociale (des élèves et/ou de l'établissement) : dans un établissement de prestige, les modèles de genre sont intégrés à un habitus dominant et leur violence est « feutrée », alors que dans un établissement de relégation, ils sont surinvestis (défense contre un désespoir social), mais dans des modalités moins « efficaces » et plus visiblement violentes.


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