Violence between students in the learning environment is currently a central preoccupation of both educational institutions and state authorities. The question of violence between students will be apprehended in this symposium through a gendered lens.
3-4 Oct 2013 Lyon (France)
Thursday 3
1.B. What meaning for pupils, what meaning for adults?
Jean-Pierre Durif-Varembont
› 11:40 - 12:00 (20min)
› Amphithéâtre culturel
Maltraitances entre pairs : quelques redondances interactionnelles spécifiques aux groupes de sexe féminin.
Marie Quartier  1, *@  
1 : Centre de Recherche sur l'Interaction et la Souffrance Scolaire  (CRISS)  -  Website
12, place Lieutenant Morel, 69004 LYON -  Suisse
* : Corresponding author

Après une brève introduction sur la vision systémique de l'école de Palo Alto, la communication abordera un phénomène interactionnel courant dans les groupes de filles, celui de l'exclusion.

A l'inverse des groupes de garçons où la violence s'exprime fréquemment sous une forme physique, les groupes de filles voient souvent la maltraitance apparaître sous une forme plus insidieuse à travers le mécanisme d'exclusion de l'un des membres, qui est rejeté puis réintégré épisodiquement. Si les injures ou les coups peuvent objectivement être reconnus comme des actes violents, la manière dont les filles, réunies autour d'une « populaire », peuvent exclure une des leurs, manifeste une forme de violence difficilement condamnable car souvent réalisée avec une certaine élégance formelle. Il n'empêche que pour la jeune fille concernée, la souffrance est telle qu'elle peut engendrer de l'anorexie, du décrochage scolaire, ou quelque autre symptôme de dépression, sachant que l'appartenance au groupe contribue fortement à la construction de l'identité féminine.

Ce phénomène de la « popularité » dans les groupes d'adolescents fonctionne sur le mode d'une schismogenèse complémentaire (Gregory Bateson, 1935). La personnalité la plus « populaire » du groupe doit en permanence maintenir cette position haute, en élaborant des stratégies relationnelles impliquant nécessairement la connivence de la majorité dans l'humiliation d'un tiers.

Selon les cas, la supériorité de la fille « populaire » se maintient grâce à des stratégies relationnelles de l'ordre de l'intimidation ou de la séduction.

Dans le premier cas, l'émotion sous-jacente aux tentatives de solution de l'adolescente maltraitée est la peur. Exemple de Charlotte[1], régulièrement rejetée du groupe puis réintégrée, sans raisons objectives. Dans le second cas, l'émotion sous-jacente est le plaisir. Exemple de Chloé, qui a tellement besoin d'attirer la bienveillance d'Anaïs, qu'elle va jusqu'à s'inventer une leucémie pour maintenir la relation.

Le contexte entretient ces mécanismes interactionnels. Les parents favorisent la vulnérabilité de leurs enfants en les soumettant très jeunes à des injonctions paradoxales du type « fais-toi des amis, sois bien intégré ». C'est un phénomène de société qui s'est amplifié et qui est peut-être dû à l'hyper-connexion des adultes eux-mêmes, soucieux d'optimiser leur réussite sociale par un réseau de relations efficaces. Par ces injonctions, les parents commettent une erreur de niveau logique, l'amitié ne pouvant être que la « qualité émergente » d'une relation, mais ce faisant ils favorisent l'exacerbation du phénomène de la « popularité » et les ravages relationnels qu'il provoque. Notons que lorsqu'une jeune fille est aux prises avec ce genre de souffrance, au point d'élaborer des tentatives de solution extrêmes (mythomanie, troubles obsessionnels...), ces mêmes adultes ne comprennent pas toujours l'émotion qu'elle traverse et en critiquent le caractère excessif. 

Les solutions à ce type de souffrance relationnelle devront donc tenir compte non seulement des émotions en jeu, mais aussi du mécanisme de schismogenèse complémentaire afin de ne pas l'amplifier. En effet, si on lui apporte une aide en intervenant à sa place dans l'interaction qui la fait souffrir, on ne fait que renforcer cette escalade complémentaire qui fragilise l'adolescente.


[1] les prénoms des jeunes filles ont été modifiés



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